Des technologies hors norme pour le laser
Le 29 janvier 1996, le président de la République française, Jacques Chirac, annonce la fin des essais nucléaires français. Le 23 octobre 2014, le Premier ministre, Manuel Valls, inaugure sur le site du Barp (Gironde) le Laser mégajoule (LMJ). Ce dernier va reproduire ce qui se passe dans une arme nucléaire, et devra, couplé avec la simulation numérique, se substituer aux essais pour assurer la fiabilité de la dissuasion française. Entre ces deux dates, presque deux décennies de R & D, pendant lesquelles des technologies en optique, électronique, mécanique… ont dû repousser leurs limites. Des techniques de fabrication innovantes ont été mises au point par les industriels partenaires du projet. Et des usines ont été créées pour fabriquer dans des conditions optimales les composants du LMJ. De l’impulsionlaser achat initiale jusqu’à la cible millimétrique où se déclenche la réaction de fusion nucléaire, tout, ou presque, était à inventer.
Une source pure
Au point de départ des faisceaux laser qui déclencheront une fusion nucléaire, il y a… une source. Soit un petit laser qui produit des impulsions très peu énergétiques (1 milliardième de joule), mais dont les caractéristiques sont extrêmement contrôlées. Sa longueur d’onde est très précise (1 053 nm). Et toutes ses propriétés (forme du faisceau, durée de l’impulsion…) sont définies et calculées pour anticiper les déformations que le faisceau subira tout au long de la chaîne, afin que les performances visées soient atteintes en arrivant sur la cible. « La source laser est équipée d’un système de diagnostic, qui permet de garantir les caractéristiques du faisceau avant de laisser partir l’impulsion dans la chaîne et d’éviter tout risque d’endommagement », explique Patrice Le Boudec, le PDG d’Idil, qui fournit les quatre sources laser du LMJ. C’est à partir de ces sources que sont créés 176 faisceaux, aussitôt pré-amplifiés à 1 joule par un module fourni par Quantel. Pour Idil, une PME de 28 personnes, le défi était aussi de s’intégrer dans le projet industriel du LMJ. Savoir faire dialoguer ses sources laser 30000mw avec le logiciel de contrôle commande fourni par Codra (il surveillera plus d’un million de variables) mais également d’assurer le suivi et la documentation dans un projet géré selon des normes de type aéronautique… Cela en valait la peine : le LMJ représente 15 % de l’activité d’Idil, et le savoir-faire acquis lui a ouvert les portes de grands projets d’instruments scientifiques, comme le European X-ray free electron laser (E - XFel), un laser à rayons X en construction près de Hambourg.